VINCENT LEMAIRE
Il travaille comme un géographe, il indexe les qualités des espaces, comptabilise l’évolution des populations, souligne la précarité des géométries. Mais chaque fois, il désigne l’impossibilité de la raison et glisse l’échec de ces tentatives dans le contenu de ses œuvres. C’est par cet échec qu’il réussit à aller au-delà des coordonnées spatiales et des accumulations de connaissances. Une fausse rationalité se mêle aux objets et la lucidité que véhicule l’apparence de ses travaux, cette comptabilitéartificieuse qu’il nous indique, semblent toujours suffisamment improbables pour échouer. Nous rassure ainsi l’impossibilité d’une énumération ou d’une lumière qui serait suffisamment stables pourse défaire de la possibilité de l’ombre. Se glisse toujours dans son travail une faille qui nous permet de nous défaire de la raison. Les calendriers sont obscurs, les néons sont défaits, les mains qui nous indiquent la direction ou la volonté de tenir l’espace ne tiennent rien et n’indiquent rien. Il y a une tension qu’il organise entre la volonté de décrire et l’absolue conscience de l’absence de nécessité de le faire. C’est dans cette porte entrouverte que se crée sa force peut-être.
Jean de Loisy
extrait du catalogue Le vent d’Après (page 14), les éditions Beaux-arts de Paris